Pouvoir moderne
Modern power
Michael White :
Depuis une quinzaine d'années, je m'intéresse beaucoup à l'analyse des systèmes modernes de pouvoir. Dans cet intérêt, je me suis principalement inspiré des travaux de Michel Foucault... un historien français des systèmes de pensée. Au cours de cette période, j'ai exploré un éventail d'implications de cette analyse du pouvoir moderne pour la pratique thérapeutique ... Lorsque des considérations de pouvoir sont exprimées dans le cadre d'explorations thérapeutiques, c'est invariablement une analyse classique du pouvoir traditionnel qui est évoquée. Celle-ci envisage un pouvoir qui est approprié par certains individus et groupes ; un pouvoir qui est accaparé par ces individus et groupes en fonction d'intérêts particuliers et individuels. C'est un pouvoir qui est considéré comme se situant à un centre défini, et qui est exercé du haut vers le bas par ceux qui en ont le monopole. C'est un pouvoir qui est caractérisé comme principalement négatif dans sa fonction, c'est-à-dire un pouvoir qui agit pour opprimer, réprimer, limiter, interdire, imposer et contraindre. C'est un pouvoir auquel les gens sont principalement soumis, et non un pouvoir auquel généralement les gens participent. À notre époque, cette version du pouvoir est souvent considérée comme synonyme du "système" ("c'est le système"), dont pratiquement tout le monde est à l'extérieur. En contextualisant leurs vies, les gens invoquent souvent une position extérieure à ce pouvoir, quel que soit le privilège qu'ils peuvent avoir en raison de l'endroit où ils vivent en termes de classe, de race, d'économie et d'avantage social.
Foucault a attiré l'attention sur le développement d'une autre version du pouvoir qui existe dans l'ombre de ces activités traditionnelles du pouvoir. Selon ses études, il s'agit d'un mécanisme distinct du pouvoir moderne qui, au cours des quelque trois cents dernières années, a progressivement déplacé de nombreuses activités du pouvoir traditionnel à l'époque de notre culture occidentale. Ce pouvoir moderne est maintenant devenu le système de pouvoir prédominant dans la concrétisation du contrôle social. C'est un pouvoir qui recrute les gens et leur participation active dans le façonnement de leur propre vie, de leurs relations et de leurs identités, selon les normes construites de la culture, nous sommes à la fois une résultante de ce pouvoir, et un véhicule pour celui-ci. À ce titre, il s'agit d'un système de pouvoir particulièrement insidieux et omniprésent. C'est un pouvoir qui peut-être perçu partout dans ses activités locales, dans nos vies et relations intimes. Foucault a cherché à illustrer les nombreuses façons dont nous vivons nos vies à l'intérieur de la toile des relations de pouvoir de ce système de pouvoir moderne, et à attirer l'attention sur le rôle que nous sommes amenés à jouer en devenant ses instruments involontaires ... Lors de ma première lecture de Foucault sur le pouvoir moderne, j'ai éprouvé une joie particulière... Si les activités du pouvoir moderne sont dérivées de l'adoption de pratiques de soi et de relations qui sont d'abord développées au niveau local de la culture, et si ces activités agissent principalement à ces niveaux - dans les cliniques, les écoles, les familles, etc. - alors il y a toujours la possibilité que les gens puissent contribuer au changement social par le développement local et le soutien de pratiques de soi et de relations qui ne reproduisent pas automatiquement les normes construites de la culture contemporaine ...
Si les disciplines professionnelles ont joué un rôle clé dans le phénomène du pouvoir moderne, alors la culture de la thérapie se situe au coeur du développement de sa technologie. Cette conclusion met l'accent sur les aspects ('p' minuscule) politiques des pratiques thérapeutiques et nous incite à travailler sur le développement de pratiques qui soient "contre" cette technologie, lorsque bon nombre des problèmes que les gens exposent aux thérapeutes proviennent des activités du pouvoir moderne. (White, 2002a, pp. 153-156)
« Lors de ma première lecture de Foucault sur le pouvoir moderne, j'ai éprouvé une joie particulière... »
Michael White