Evaluer les aspects politiques de l'expérience de l'abus par une personne
Establishing political appreciation of a person’s experience of abuse
Dans l'extrait suivant, tiré d'une interview de Chris McLean (White, 1995c), Michael White parle de l'importance d'évaluer les aspects politiques de l'expérience d'abus d'une personne :
Chris : J'aimerais maintenant explorer votre point de vue sur l'importance d'évaluer les aspects politiques ou contextuels de l'expérience de l'abus par une personne, et en particulier, comment le concept de recrutement s'inscrit dans cette idée.
Michael : Aider les gens à établir un récit politique de leur expérience contribue à affaiblir le sentiment de culpabilité et de honte si souvent ressenties en relation avec l'abus lui-même. L'un des moyens d'y parvenir est d'engager avec les personnes des conversations d'externalisation sur la haine de soi, le dégoût de soi ou tout ce qui constitue la relation principale de la personne avec son "moi". Dans ces conversations d'externalisation, nous pouvons explorer avec les gens ce que cette haine de soi leur dit de ce qu'elles sont en tant que personnes, comment elle les pousse à considérér leur vie, leur corps, leurs pensées, comment elle interfère dans leurs relations avec les autres, etc. Et ensemble, nous pouvons également explorer les processus par lesquels la personne a été recrutée par la haine et le dégoût de soi.
Chris : Vous insistez donc sur les questions concernant la manière dont la personne a été recrutée par la haine de soi, ou le dégoût de soi, ou quoi que ce soit d'autre, et cela a pour effet de faire mettre en avant les aspects politiques de l'expérience de la personne ?
Michael : Oui, c'est principalement à travers de telles questions que cela se fait. C'est à travers ces questions que nous finissons par identifier les spécificités de ce processus de recrutement, pas seulement les processus physiques d'abus, mais aussi les connaissances, les stratégies et les techniques qui ont été employées, et le fonctionnement de ces connaissances, stratégies et techniques. Mais nous n'arriverons pas à ce stade en nous appuyant dans notre travail sur l'idée de retourner sur le terrain du traumatisme. En répondant à ces questions d'externalisation, les gens s'engagent en fait dans une renégociation de leurs expériences de l'abus, et rompent avec les histoires négatives d'identité qui les ont si bien emprisonnées.
L'abus ne peut plus refléter la culpabilité personnelle, et ne reflète plus pour les personnes la vérité de leur "nature" et de leur "personnalité". Je pense que ces conversations d'externalisation peuvent être considérées comme des conversations de "déconstruction".
Peut-être qu'une autre façon de le dire, inspirée de la métaphore narrative, est que la renégociation déclenchée par ces questions fournit une base pour renommer les thèmes dominants de la vie des gens, loin des thèmes de la culpabilité personnelle, l'exploitation, la tyrannie, les abus, etc. (White, 1995c, pp. 88-89)