A propos de ce dictionnaire

De Wiki Pratiques Narratives
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[David Denborough] Il existe de nombreuses façons de définir le champ des Pratiques Narratives (thérapies narratives et travail communautaire). Une façon de le définir, ma préférée, c’est de dire que c’est une manière particulière de faire de la politique. C'est cette dimension politique des Pratiques Narratives qui m'a attiré vers ces idées et ces méthodes de travail : la dimension politique des partenariats entre les genres pour tenter de remédier à l'injustice entre les genres ; la dimension politique du développement de formes de thérapie non pathologisantes ; la dimension politique de la réponse aux injustices suite aux décès d'Aborigènes en détention et de la remise en question de l'existence et du recours aux prisons ; la dimension politique de notre capacité à nous remettre en question, en considérant la façon dont non seulement nous faisons valoir les privilèges mais aussi dont nous les utilisons à bon escient par le biais de partenariats et de prises de responsabilités ; la dimension politique du soutien de la diversité et non de la conformité, ...

Si vous êtes également attiré par la dimension politique des Pratiques Narratives, j'espère que les diverses rubriques et histoires que vous trouverez dans ces pages vous intéresseront. Ce dictionnaire politique a été inspiré par A feminist dictionary élaboré par Cheris Kramarae et Paula Treichler en 1985. A feminist dictionary ne ressemble à aucun autre dictionnaire sur lequel je me suis penché. Sa lecture m'a apporté des défis, de nouvelles connaissances, et parfois des rires.

Kramarae et Treichler reconnaissent explicitement "les aspects socio-politiques de la conception des dictionnaires" et, parfois, au sein d'une même rubrique, proposent des contradictions sans les résoudre (Kramarae et Treichler, pp. 161-162). De plus, elles décrivent comment leur dictionnaire a été créé "non pas pour autoriser mais pour interpeller et envisager... et pour... expliquer et complexifier les termes du discours féministe" (Kramarae et Treichler, pp. 12-14).

A leur instar, ce dictionnaire ne cherche pas à légitimer une version particulière des Pratiques Narratives mais espère plutôt expliquer et complexifier les termes des Pratiques Narratives. Si vous cherchez des définitions claires et concises, toutes écrites dans le même style et d’une même voix, je suis désolé mais vous ne les trouverez pas ici. Ce que vous trouverez, ce sont des définitions, des descriptions, des exemples et des citations de multiples auteurs aux points de vue multiples.

Il s'agit d'un dictionnaire partiel dans deux sens du terme. Il est incomplet et biaisé. J'ai délibérément inclus des rubriques qui soulignent ce que je considère comme des considérations et des dilemmes politiques ; j'ai essayé d'amplifier certaines des voix, histoires et concepts les plus ouvertement politiques dans le domaine ; et en même temps j'ai tiré des archives de Michael White certains des aspects politiques du travail de Michael qui risqueraient autrement de passer inaperçus.

J'espère que, d’une certaine manière, cela fait suite à une invitation que Ron Findlay a faite dans A memory book for the field of narrative practice :

Lorsque nous nous engageons dans les Pratiques Narratives aujourd’hui, je pense que nous ne devons pas oublier que nos pratiques thérapeutiques sont aussi des pratiques politiques. Ce sont les deux côtés d'une pièce. Par exemple, le fait que les Pratiques Narratives consistent à utiliser les propres mots des gens au lieu de définitions professionnelles, peut avoir un effet thérapeutique positif, mais c'est aussi un acte politique... qui consiste à permettre aux gens de se prendre position par eux-mêmes. Si nous oublions l'histoire et l’aspect politique de nos pratiques, nous risquons de perdre une partie de leur sens et compréhension, et nous risquons de rendre invisibles les véritables effets politiques de nos pratiques. (Ron Findlay dans White, 2016, p. 24)

Bien sûr, dès que certaines rubriques de ce dictionnaire (ou de tout autre dictionnaire) sont écrites, elles doivent déjà être mises à jour ! Je suis frappé par les mots du rédacteur en chef indépendant et genderqueer Kapitan (2017). En ce qui concerne la façon dont le langage de l'identité et de l'expression du genre "évolue à la vitesse de l'éclair", Alex nous invite à :

Choisir de célébrer cette évolution rapide de la langue pour ce qu'elle signifie : que des personnes qui ont été marginalisées pendant des siècles trouvent des moyens de retrouver leur sentiment d’initiative et leur légitimité ; que ceux d'entre nous qui ont été exclus de la société trouvent des moyens de réécrire la réalité... Le but de la langue est de communiquer, pas de réglementer. (Kapitan, 2017)

Le but de ce dictionnaire incomplet et biaisé est également de communiquer, et non de réglementer. Si certaines rubriques de ces pages vous paraissent utiles, je serais très intéressé de vous entendre sur le sujet. Et si vous remarquez des omissions, des erreurs et/ou des choses trop difficiles, j'aimerais recevoir vos commentaires ainsi que toute rubrique supplémentaire que vous et/ou vos communautés pourriez suggérer.

En quoi les Pratiques Narratives sont-elles politiques ?

Si les Pratiques Narratives doivent être comprises comme des pratiques "politiques", alors comment définir cette dimension politique ? Et qu'est-ce que cette dimension politique rend possible ? Le processus de conception de ce dictionnaire politique m'a invité, encouragé et finalement réclamé de clarifier mes propres opinions à ce sujet. Ce faisant, j'ai trouvé utile la citation suivante de Michel Foucault :

Je vous parlais précédemment des trois éléments de ma morale. Ce sont (1) le refus d'accepter comme allant de soi ce qui nous est proposé ; (2) la nécessité d'analyser et de savoir, car rien de ce que nous avons à faire ne peut être fait sans une réflexion ainsi qu'une connaissance, c'est le principe de curiosité ; et (3) le principe d'innovation : chercher à la fois dans certains éléments de notre réflexion et dans la manière dont nous agissons ce qui n'a jamais encore été pensé ou imaginé. Donc : refus, curiosité, innovation. (Foucault, 1988a)

La dimension politique des Pratiques Narratives peut être envisagée à travers ces trois principes.

Refus

Les Pratiques Narratives, pour moi, représentent un certain nombre de refus. Tout d'abord, le refus de pathologiser ou de considérer les personnes, les familles ou les communautés comme des problèmes. En lien avec cela, le refus de participer à la psychologisation de la vie ou de véhiculer les discours de la psychanalyse, de la psychodynamique ou de la psychopathologie. De plus, les Pratiques Narratives impliquent le refus de faire preuve d'expertise sur la vie des autres, le un refus de savoir ce que sont la "guérison", la "vie saine" ou ce qui constitue une "bonne vie" pour les autres.

Curiosité

En refusant d’interpréter, d’évaluer ou de corriger la vie des autres, les praticiens narratifs se penchent plutôt sur des curiosités particulières. Cela inclut la curiosité qui aide les gens à nommer leurs expériences dans leurs propres mots et termes. Cela inclut également la curiosité qui cherche à rendre visible le fonctionnement, les effets et l'histoire sociale des problèmes, y compris l'influence des histoires individuelles et collectives. Il s’agit d’une curiosité qui est ouverte à la façon dont les histoires des gens représentent non seulement leur expérience personnelle, mais aussi les effets de problèmes sociaux plus larges.

Une autre curiosité associée aux Pratiques Narratives est celle qui ressuscite et décrit avec richesse les connaissances et les compétences de vie locales qui peuvent être mises à profit pour résoudre les problèmes locaux. Quel que soit le degré de difficulté, les individus, les groupes et les communautés sauront réagir aux situations dans lesquelles ils se trouvent. Ils prendront des initiatives et utiliseront leurs talents et leurs connaissances pour tenter de réduire ou de réparer les dommages et/ou de prendre soin et de protéger les autres.

En explorant comment les talents et les connaissances des personnes en difficulté peuvent contribuer à la vie des autres, la personne n'est plus le problème, le problème est le problème, et la solution ne peut plus être uniquement personnelle.

De mon point de vue, la Curiosité dans les Pratiques Narratives cherchent à générer ce que Michel Foucault a décrit comme "une insurrection des savoirs locaux" (Foucault, 1980, p. 81). Ces formes de Curiosité soutiennent la diversité et non le conformisme et se réjouissent d’honorer les non-conformités quotidiennes.

Innovation

Il est essentiel que les praticiens narratifs, plutôt que de se contenter de critiquer les pratiques pathologiques existantes, innovent par des pratiques alternatives, des pratiques qui peuvent être différentes selon les endroits. Je suis particulièrement intéressé par la dimension politique implicite contenue dans deux types d'innovations au sein des pratiques narratives.

Partenariats

Inspirés par le travail de l'Équipe de la Thérapie Juste (Waldegrave, Tamasese, Tuhaka & Campbell, 2003), les praticiens narratifs donnent la priorité au développement de partenariats et de principes de responsabilité innovants. Ces partenariats impliquent la reconnaissance et la dénomination de privilèges et de politiques de genre, de race, de classe, d'âge, d'ethnicité, d'hétérosexisme, ... et créent de nouvelles possibilités pour utiliser de façon collaborative des privilèges et des connaissances générés par la résistance à la marginalisation pour le bien commun.

Développer les pratiques les plus pertinentes pour les plus marginalisés

Les pratiques narratives ont débuté en collaboration avec deux groupes de personnes dont les connaissances sont profondément marginalisées au sein de la culture occidentale dominante : les jeunes enfants ayant des difficultés émotionnelles/psychologiques et les adultes ayant reçu des diagnostics psychiatriques graves (voir White, 2016). Depuis ses origines jusqu'à aujourd'hui, il subsiste toujours cet engagement à innover dans des formes de pratique qui sont les plus pertinentes pour les plus marginalisés.

Bien sûr, cher lecteur, vous avez peut-être des idées sur d'autres déclinaisons, curiosités et innovations qui devraient être inclus dans cette liste. Ou vous pouvez même proposer un cadre tout à fait différent !

J'espère que ce dictionnaire politique consacré aux pratiques narratives pourra susciter des conversations et des débats sur la dimension politique des pratiques narratives. Vos commentaires sont les bienvenus.

Sources, remerciements et inspiration

J'ai puisé dans diverses sources pour les rubriques de ce dictionnaire. Voici quelques- unes des plus utiles :

  • Cheris Kramarae et Paula Treichler (1985) : Un dictionnaire féministe
  • Les Archives de Michael White, Dulwich Centre: le travail de Kelsi (Sassy) Semeschuk en tant qu'archiviste/chercheur a eu une influence sur la recherche de citations tirées des cassettes d'enseignement de Michael.
  • Alex Kapitan (2017) : Le guide de style du rédacteur en chef indépendant pour

écrire sur les personnes transgenres.

  • Meg-John Barker's (2018) : Bonnes pratiques dans le Secteur de l’Aide 001 – Diversité des genres, des sexes et des relations


Claire Nettle a contribué aux rubriques suivantes : Savoirs locaux / expérientiels, Homophobie, Justice narrative, Normalisation, Pouvoir patriarcal, Post-colonialisme et Pouvoir productif.

Tiffany Sostar a fourni des commentaires critiques et créatifs approfondis sur une version antérieure de ce dictionnaire, ce qui a permis de l'améliorer considérablement. Elle a également contribué aux rubriques suivantes : Complices, Sexe assigné, Biphobie, Handicap, Monosexisme, Intersectionnalité, Non-monogamies ouvertes, Polyamorie et Transphobie.

Mary Heath a également fourni des commentaires influents et a contribué aux rubriques sur : le Néolibéralisme, le Lieu et l'Anarchie relationnelle.

John Winslade a contribué aux rubriques sur le Discours et le Néolibéralisme.

Gipsy Hosking a rédigé les contributions sur le Capacitisme et sur l'Handicap.

Merci également à David Newman et Manja Visschedijk pour leur lecture dès le début, leurs suggestions et leur enthousiasme pour ce projet.

Et trois remerciements à titre plus général :

À Michael White, dont l'engagement politique, le génie et le travail acharné ont généré de nouvelles façons de comprendre et des formes de pratique qui remplissent de nombreuses pages de ce livre.

À David Epston, qui a non seulement cofondé les thérapies narratives, mais dont la créativité et la générosité ont également contribué aux prémices des pratiques narratives collectives.

Et à Cheryl White, dont la vie politique joyeuse et intelligente a rendu possible ce projet et tant d'autres.

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