Le travail avec les Équipes réfléchissantes sous forme de Cérémonie définitionnelle (version revisitée) : Différence entre versions

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<ref name="foucault">La catharsis moderne est aussi façonnée par l'adoption populaire et générale de la "confession" dans la pratique de la psychothérapie (Foucault, 1984).</ref>
 
<ref name="foucault">La catharsis moderne est aussi façonnée par l'adoption populaire et générale de la "confession" dans la pratique de la psychothérapie (Foucault, 1984).</ref>
 
<ref name="bachelard">J'ai trouvé le travail de Gaston Bachelard sur l'image très utile pour réfléchir sur l'orientation du témoin extérieur (1969).</ref>
 
<ref name="bachelard">J'ai trouvé le travail de Gaston Bachelard sur l'image très utile pour réfléchir sur l'orientation du témoin extérieur (1969).</ref>
<ref name="tonninger">Cf. [http://www.wikipratiquesnarratives.fr/index.php?title=La_place_de_l%27imagination La place de l'imagination]
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<ref name="tonninger">Cf. [http://www.wikipratiquesnarratives.fr/index.php?title=La_place_de_l%27imagination La place de l'imagination]</ref>
 
<ref name="morrie">Jewish Women's Archive. "Barbara Myerhoff with Morrie Rosen, Director of the Israel Levin Center." (Viewed on July 23, 2019) <https://jwa.org/media/myerhoff-with-morrie-rosen-director-of-israel-levin-center>.</ref>
 
<ref name="morrie">Jewish Women's Archive. "Barbara Myerhoff with Morrie Rosen, Director of the Israel Levin Center." (Viewed on July 23, 2019) <https://jwa.org/media/myerhoff-with-morrie-rosen-director-of-israel-levin-center>.</ref>
 
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Version du 27 juillet 2019 à 15:20

Reflecting-team work as definitional ceremony revisited by Michael White


Chapitre 4 du livre : White, M. 2000 : Reflections on Narrative Practice: Essays and interviews. Adélaide: Dulwich Centre Publications. Copyright © 2000 by Dulwich Centre Publications.


Traduction de Fabrice Aimetti avec l'aimable autorisation de David Denborough, le 19 juillet 2019.


INTRODUCTION

Cet article a été publié pour la première fois dans le numéro de 1999, Vol.1 de Gecko : a journal of deconstruction and narrative ideas in therapeutic practice.


Cet article met l'accent sur la métaphore de la cérémonie définitionnelle et sur la structure que cela donne au travail avec les équipes réfléchissantes. J'ai écrit ceci pour compléter deux autres articles sur ce sujet (White, 1995, 1997). Je n'ai pas l'intention de reproduire ici des aspects significatifs de ces deux articles, ni d'en faire un résumé. Je voulais plutôt écrire un article qui compléterait ce que j'ai déjà écrit sur ce sujet, afin que les trois articles puissent être lus ensemble.


Au début de cet article, j'aborde la distinction structuralisme / poststructuralisme. Je crois que la compréhension de cette distinction est essentielle pour apprécier le fonctionnement de la cérémonie définitionnelle et la contribution de la cérémonie définitionnelle à la formation de l'identité. J'aborde ensuite l'accent que la thérapie narrative a toujours mis sur l'identification et le recrutement de publics pour les développements préférés de la vie des gens. Par la suite, je visite certaines des contributions de Barbara Myerhoff à la compréhension du fonctionnement de la cérémonie définitionnelle, avant de décrire plus en détail certaines des pratiques d'équipe réfléchissante qui sont basées sur cette compréhension. Enfin, je me concentrerai sur certains des problèmes auxquels les équipes réfléchissantes se heurtent invariablement lorsqu'elles s'engagent dans ces pratiques.

TRADITIONS DE PENSÉES ET DE PRATIQUES

Les pratiques de la thérapie narrative s'appuient sur des conceptions post-structuralistes ou non structuralistes de la vie et de l'identité. En mettant l'accent sur les conceptions post-structuralistes ou non-structuralistes au début de cet article, je souhaite attirer l'attention sur l'importance des traditions de pensée en ce qui concerne les implications pour la pratique thérapeutique. Et j'insiste sur ce point au début de cet article à propos du travail avec les équipes réfléchissantes pour plusieurs raisons. Premièrement, je crois qu'il existe un lien inséparable entre la pensée et la pratique, et ne pas faire de distinctions entre les différentes traditions de pensée peut avoir pour effet de nous enchaîner, au nom de la démarche thérapeutique, à la reproduction sans se poser de questions des habitudes de pensée et d'action de la culture occidentale contemporaine. Lorsque c'est le cas, il est davantage probable que la thérapie renforce les modes de vie dominants de cette culture, plutôt que de présenter des options qui pourraient contribuer à la remise en question de ces modes de vie.


Deuxièmement, j'établis cette distinction parce que bon nombre des pratiques de la thérapie narrative contrastent de façon significative avec les pratiques de la thérapie qui découlent des conceptions structuralistes de l'expression de la vie des gens. Mais on en perd souvent l'appréciation. À notre époque actuelle, les prémisses de la pensée structuraliste sont si spontanément assumées et si profondément enracinées dans la culture du soutien psychologique / psychothérapie que beaucoup des propositions de pratique qui sont intégrées sous l'égide de la thérapie narrative sont régulièrement considérées comme une révision des bien connues idées et pratiques structuralistes - par exemple, elles sont souvent considérées comme un recyclage des approches humanistes du suivi psychologique.


Troisièmement, je fais cette distinction ici parce que les pratiques de l'équipe réfléchissante qui font l'objet de cet article sont fondées sur des conceptions post-structuralistes ou non structuralistes de la vie et de l'identité. Je crois que bien distinguer structuralisme et post-structuralisme dans l'exploration des pratiques thérapeutiques, y compris celles de l'équipe réfléchissante, contribue à une appréciation de la spécificité de ces pratiques. Cette distinction sert aussi de base pour nous unir les uns aux autres dans le développement de ces pratiques - d'aller au-delà des limites de ce que l'on sait d'elles.


Conceptions structuralistes

Je crois qu'il serait utile pour la discussion qui va suivre sur le travail avec les équipes réfléchissantes de prendre une pause pour faire ressortir un peu cette distinction structuraliste / post-structuraliste. Donc, d'abord un mot sur le structuralisme. Sans aucun doute, ce que l'on pourrait appeler le "projet structuraliste" a connu un succès spectaculaire. Après quatre ou cinq cents ans de développement des conceptions structuralistes de la vie, la pensée structuraliste est maintenant omniprésente dans la culture occidentale contemporaine - à tel point qu'il est devenu assez difficile de penser à la vie sans ces conceptions.


Une caractéristique de la pensée structuraliste est le contraste surface / profondeur. C'est dans les termes de ce contraste que les expressions de la vie des gens sont considérées comme des comportements qui sont des manifestations superficielles d'éléments particuliers ou d'essences particulières. Il est généralement admis que ces éléments ou essences peuvent être découverts en sondant les profondeurs de la vie des gens. Ils sont considérés comme les éléments constitutifs de l'identité, et sont considérés comme étant ce qui est conçu comme le centre de la personne - un centre que l'on appelle invariablement le "moi". Dans la culture occidentale, il est désormais courant d'admettre que tout le monde possède l'un de ces "moi", et il est généralement admis que le soi et l'identité sont inextricablement liés - que l'identité est un produit du soi ou est synonyme du soi.


Quelles sont certaines des implications de cette tradition structuraliste de la pensée ? Si les actions et les expériences de la vie des gens qui les amènent au suivi psychologique /à la thérapie sont comprises comme des expressions qui sont des manifestations superficielles de "vérités" plus profondes - par exemple, de certains éléments ou essences d'un soi que l'on trouve au centre de l'identité - alors ces expressions exigent une interprétation experte. Cette exigence conduit à la production de théories, à la construction de systèmes d'analyses fondés sur ces théories qui peuvent être posées sur la vie des gens, et au développement de techniques professionnelles de réparation qui corrigeront ce qui ne va pas au centre de leur identité.


Conceptions post-structuralistes

Malgré l'acceptation large et incontestée du lien entre l'identité et le soi, les historiens de la pensée (par exemple, Michel Foucault), les anthropologues culturels (par exemple, Clifford Geertz) et d'autres disciplines aussi disparates en apparence que la théorie littéraire et la science, ont attiré l'attention sur le fait que l'habitude d'associer la soi à l'identité est un phénomène relativement récent. Mais plus encore : ils ont démontré à quel point l'idée qu'il existe une chose telle qu'un "moi", qui réside au centre de la personne, et qui est source de sens et d'action, est, dans l'histoire des cultures du monde, une idée remarquablement nouvelle.


Les conceptions post-structuralistes rendent compte de l'identité en tant que réalisation sociale et publique - l'identité est quelque chose qui se négocie au sein des institutions sociales et des communautés de personnes - et est façonnée par des forces historiques et culturelles. En explorant les mécanismes qui donnent naissance à l'identité dans ces contextes, la structure de la narration fait souvent l'objet d'un examen minutieux, car les gens négocient couramment le sens dans le contexte des cadres narratifs - ils attribuent un sens à leurs expériences des événements de leur vie en les situant dans des séquences qui se déroulent dans le temps selon certains thèmes ou trames. Et plus encore : c'est dans ce "récit" de l'expérience que les gens tirent des descriptions identitaires qui sont classées dans les catégories identitaires de la culture moderne - motivation, besoin, attributs, caractéristiques, propriétés, etc. Selon cette vision post-structuraliste de la vie, ce n'est pas la motivation qui façonne l'action, mais c'est le compte rendu de la motivation qui a socialement dérivé de négociations narratives.


Par rapport aux conceptions structuralistes de la vie qui s'appuient sur le contraste surface / profondeur, une caractéristique de la pensée post-structuraliste est le contraste des métaphores "mince" et "épaisse" [1]. En s'engageant dans ce contraste mince / épais, plutôt que de reproduire les pratiques thérapeutiques consacrées de l'interprétation des expressions de la vie des gens par le recours aux discours des connaissances expertes de la culture de la thérapie et des actions réparatrices de la part du thérapeute (qui contribuent à une description mince), les pratiques de la thérapie narrative aident les gens à sortir des conclusions minces sur leur vie, sur leur identité et sur leurs relations. Mais plus encore : ces pratiques narratives donnent aussi aux gens l'occasion de s'engager dans une description épaisse ou riche de leur vie, de leur identité et de leurs relations. Au fur et à mesure que les gens acquièrent des ressources narratives grâce à la génération de cette description épaisse ou riche, ils découvrent qu'ils ont à leur disposition des possibilités d'action qui n'auraient pas été imaginables autrement.


Certaines des pratiques de la thérapie narrative qui s'engagent dans ce contraste post-structuraliste d'épaisseur et de finesse sont façonnées par la métaphore de la "cérémonie définitionnelle". La cérémonie définitionnelle en tant que pratique post-structuraliste fera l'objet de la prochaine section de cet article.

CÉRÉMONIE DÉFINITIONNELLE

Dans la documentation sur la thérapie narrative, on trouve diverses micro-cartes de pratique qui peuvent servir de guides pour aider les gens à rompre avec les conclusions minces au sujet de leur vie et de leur identité, et qui offrent des options pour s'associer aux gens dans la génération des descriptions riches ou épaisses de ces vies et identités (par exemple, Freedman et Combs, 1996 ; Zimmerman et Dickerson, 1996 ; Monk et al, 1997 ; Freeman et al, 1997 ; White & Epston, 1991 ; White, 1995 et 1997). Dans cet essai, je me concentrerai sur la carte qui s'inspire de la métaphore de la "cérémonie définitionnelle". La métaphore de la cérémonie définitionnelle est une métaphore qui contribue à la structuration de la thérapie comme contexte pour narrer (telling) et re-narrer (retelling) les histoires de la vie des gens. Il y a une spécificité à ces narrations et re-narrations qui constituent les cérémonies définitionnelles - il ne s'agit pas dire que "tout est possible" - dont j'ai tiré certains éléments dans des articles qui ont été publiés ailleurs (White, 1995, 1997). Je n'ai pas l'intention de reproduire ici le contenu de ces articles déjà publiés, mais de décrire certaines des particularités de la cérémonie définitionnelle d'une manière qui les complétera.


Mais d'abord quelques observations générales sur la structure de la cérémonie définitionnelle. La métaphore de la cérémonie définitionnelle guide la structuration des tribunes dans lesquelles certaines personnes ont l'occasion de narrer certaines des histoires significatives de leur vie - des histoires qui, d'une manière ou d'une autre, sont pertinentes par rapport aux questions d'identités personnelle et relationnelle. Un public ou un groupe de "témoins extérieurs" sont également présents à cette tribune. Les membres de ce groupe écoutent attentivement les histoires racontées et se préparent à s'engager dans une re-narration de ce qu'ils ont entendu. Le moment venu, les positions changent - les personnes dont la vie est au centre de la cérémonie définitionnelle forment un public pour les re-narrations du groupe de témoins extérieurs. Ces re-narrations englobent des aspects de la narration originale. Mais plus encore, les re-narrations du groupe de témoins extérieurs dépassent régulièrement les limites de la narration originale de façon significative, de façon à contribuer à une description riche des identités personnelle et relationnelle des personnes dont la vie est au centre de la cérémonie. Ces re-narrations y parviennent en partie en établissant un lien entre les récits de la vie de ces personnes et les récits de la vie d'autrui, autour de thèmes, de valeurs, de buts et d'engagements communs.


Après ces re-narrations, les membres du groupe de témoins extérieurs reviennent en position de public et les personnes dont la vie est au centre de la cérémonie ont l'occasion de parler de ce qu'elles ont entendu. À ce moment-là, ces personnes sont engagées dans une deuxième re-narration ; c'est-à-dire dans une re-narration des re-narrations du groupe des témoins extérieurs. Dans ces tribunes, il peut y avoir d'autres niveaux de participation de témoins extérieurs et d'autres re-narrations de re-narrations.


La métaphore de la cérémonie définitionnelle guide la structuration des narrations et des re-narrations des histoires de la vie des gens dans des arènes sociales organisées d'une façon singulière. Dans le contexte de ces cérémonies, ces narrations, ces re-narrations et ces re-narrations de re-narrations sont séparées. La réalisation de ces narrations et re-narrations séparées exige une perturbation du dialogue à travers l'interface entre ceux qui sont dans la position de l'auditoire et ceux qui sont engagés dans les narrations et re-narrations ; autrement dit, lorsque le groupe de témoins extérieurs est dans la position de l'auditoire, ils sont rigoureusement dans cette position, et lorsque les personnes dont les vies sont au centre des cérémonies définitionnelles sont dans la position de l'auditoire, ils sont rigoureusement dans cette position. La conversation à travers cette interface n'a lieu qu'à la fin de la cérémonie, à la quatrième et dernière étape.


Il y a une spécificité aux re-narrations du groupe des témoins extérieurs : en ce sens que ces re-narrations contribuent de façon très significative à une riche description des identités personnelles et relationnelles, elles constituent des cérémonies définitionnelles de "re-gradation" (NdT : à l'opposé de dégradation). Dans le cours normal des événements de la vie de tous les jours, les re-narrations des groupes qui constituent le public n'atteignent pas tous cette riche description. En fait, bon nombre des re-narrations institutionnalisées du monde contemporain contribuent de manière significative à une description mince des identités personnelle et relationnelle. Prenons, par exemple, bon nombre des façons courantes et considérées comme acquises de parler de la vie des gens lors des conférences actuelles - des façons de parler qui réduisent et pathologisent la vie des gens à travers des processus de jugement normalisateur. En général, les gens voient leur identité s'affaiblir à cause de ces re-narrations. Ces re-narrations qui contribuent à une mince description des identités personnelles et relationnelles constituent des cérémonies définitionnelles "dégradantes".[2]


Identification du public et recrutement

Bien que cet essai se concentre principalement sur la cérémonie définitionnelle dans un sens relativement spécifique et formel - c'est-à-dire sur la cérémonie définitionnelle dans laquelle les membres du groupe de témoins extérieurs sont issus de la communauté des thérapeutes et forment une équipe réfléchissante - ceci ne représente en aucun cas les limites des possibilités de travail qui sont façonnées par cette métaphore. Il existe d'innombrables occasions pour les thérapeutes de s'engager avec cette métaphore dans la structuration de leur travail avec les personnes qui les consultent. La plus grande majorité de ces opportunités peuvent être saisies par la tenue de tribunes relativement informelles pour narrer et re-narrer les histoires de la vie des gens.


C'est pourquoi, depuis de nombreuses années, David Epston et moi-même avons souligné l'importance d'accorder une attention particulière à l'identification et au recrutement d'un public approprié pour que les gens puissent exprimer les développements significatifs et préférés de leur vie. C'était un thème récurrent de notre propre travail. Nous avons trouvé ces publics dans une vaste gamme de contextes - dans les réseaux familiaux et amicaux, dans les milieux scolaires et professionnels, dans des groupes de connaissances, y compris des voisins et des commerçants, et dans des communautés de personnes qui sont inconnues des personnes qui consultent. Ce que j'appelle les "registres" des thérapeutes constitue une source importante pour l'identification et le recrutement de publics appropriés ; c'est-à-dire des listes de personnes qui ont déjà consulté des thérapeutes au sujet de divers problèmes et préoccupations et qui se sont volontairement rendues disponibles pour participer à l'organisation de cérémonies définitionnelles pour d'autres.


À la fin de nos consultations avec les personnes qui nous consultent, lorsque nous sollicitons des commentaires sur le travail que nous avons fait ensemble, nous leur demandons souvent si elles sont intéressées à participer, à un moment donné, à ce type de re-narration de la vie d'autres personnes qui pourraient contribuer à la résolution de leurs problèmes et de leurs préoccupations. La réponse à cette demande a toujours été enthousiaste. À l'heure actuelle, les gens se portent invariablement volontaires pour inscrire leur nom sur l'un de nos registres. Ces registres constituent une riche source de personnes qui ont de l'expérience et des savoirs privilégiés (NdT : insider experience and insider knowledge) sur le genre de situations difficiles et de préoccupations pour lesquelles les gens cherchent à consulter des thérapeutes.


Je tiens à encore plus souligner ici l'importance que nous accordons à l'identification et au recrutement de ces publics. Je suis conscient que l'on suppose souvent que l'engagement d'un public pour entendre et réagir aux récits que font les gens de leur vie est une pratique relativement marginale de la thérapie narrative ; que la prise en compte de l'engagement de ces publics est une chose à laquelle on s'intéresse à la fin du travail, comme une réflexion secondaire ; que cet engagement constitue un complément à l'approche centrale thérapeutique. Cela n'a jamais été notre conception pour l'identification et le recrutement du public. Cela n'a jamais été marginal dans notre pratique. Pour nous, l'engagement du public a été au centre de notre approche, tout comme d'autres pratiques narratives connues. J'insiste ici sur ce point, car dans la discussion qui suit, je me concentrerai surtout sur l'opportunité de pouvoir attirer un public de thérapeutes et/ou d'autres professions connexes. Cette invitation d'une équipe réfléchissante n'est généralement pas simple à mettre en oeuvre sur le lieu de travail, et je ne veux pas que mon attention sur cette version relativement restreinte de l'engagement des témoins extérieurs contribue à faire croire que cette pratique a un statut marginal dans la thérapie narrative.


Barbara Myerhoff et Venice, Los Angeles

Comme nous l'avons mentionné précédemment, il y a une spécificité dans les narrations faites par des témoins extérieurs en thérapie narrative. Les explorations du type de narration qui sont les plus susceptibles de contribuer à une riche description des identités personnelles et relationnelles ne sont pas guidées par la règle du "tout est permis" - ces re-narrations de la vie des gens ne sont pas de simples re-narrations. Ces re-narrations ne portent pas sur l'évaluation, le jugement ou le diagnostic de la vie des personnes par le recours aux connaissances d'experts des disciplines professionnelles ou selon les principes de la psychologie populaire. Ces re-narrations ne sont pas façonnées par des homélies ou des leçons de morale tirées des histoires des membres du groupe de témoins extérieurs. Et elles ne sont pas façonnées par l'idée de traitement ou d'intervention. Ces re-narrations sont plutôt le fruit d'efforts et d'une écoute attentive, de la part des membres du groupe de témoins extérieurs, pour exprimer des aspects particuliers des histoires entendues et pour dépasser les limites de ces histoires d'une manière qui ne soit pas imposée. Dans ces re-narrations, les histoires de la vie des personnes qui sont au centre de la cérémonie définitionnelle sont souvent liées aux histoires de la vie des autres autour de thèmes, de buts, d'engagements et de valeurs commun(e)s. L'un des principaux mécanismes de ces re-narrations est la reconnaissance puissante de l'expression par les personnes de leurs vécus. Dans le contexte thérapeutique, ces re-narrations du groupe des témoins extérieurs génèrent habituellement des transformations.

Barbara Myerhoff avec Morrie Rosen, Directeur du Israel Levin Center. Avec l'aimable autorisation des Archives de l'Université de Caroline du Sud[3].

J'ai l'intention, dans cet essai, de décrire et d'illustrer plus en détail certaines des pratiques de groupes de témoins extérieurs qui, dans le contexte de la thérapie narrative et du travail avec les équipes réfléchissantes, ont contribué de façon significative à cette riche description des identités personnelles et relationnelles. Cependant, avant de le faire, j'aborderai le travail de Barbara Myerhoff, car c'est à travers ses écrits que j'ai pris connaissance pour la première fois de la métaphore de la cérémonie définitionnelle. Myerhoff était une anthropologue culturelle dont le travail de terrain l'a engagée auprès d'une communauté de personnes âgées juives à Venice, Los Angeles. Bon nombre des idées et des pratiques dont je discute dans cet essai témoignent de la contribution de Myerhoff, de la contribution des personnes de cette communauté et de la contribution de Morrie Rosen, un extraordinaire animateur communautaire qui a joué un rôle si important pour aider les gens de cette communauté à donner vie à leurs projets identitaires.


Compte tenu de la place, ma discussion dans cette section sera brève. Cependant, il existe plusieurs sources à la disposition des lecteurs qui permettent de mieux connaître le travail de terrain de Myerhoff et la vie de cette communauté (Myerhoff, 1980, 1982, 1986). Il y a aussi un film documentaire qui détaille certains aspects de la vie de cette communauté et du travail de Myerhoff sur le terrain qui est généralement disponible dans les cinémathèques. Ce documentaire s'intitule Number Our Days et a remporté un Oscar en 1977.


Beaucoup de personnes âgées juives de la communauté de Venice avaient migré des shtetls de l'Europe de l'Est vers l'Amérique du Nord au début du siècle. Ils s'étaient par la suite installés à Los Angeles à la recherche d'un climat doux qui serait favorable à leur retraite, et s'étaient installés à Venice où l'on pouvait trouver un logement pas trop cher. Beaucoup de gens de cette communauté avaient survécu à leurs enfants et beaucoup avaient perdu leur famille au sens large pendant l'Holocauste. Pour eux, l'isolement et l'invisibilité étaient la menace principale - la menace de devenir invisibles pour l'ensemble de la communauté, de devenir invisibles l'un pour l'autre, et de devenir invisibles pour eux-mêmes dans la mesure où ils cesseraient d'avoir la moindre sensation qu'ils existent.


Face à cette menace, les membres de cette communauté, avec beaucoup de force et dans l'urgence, ont mis sur pied et se livrent régulièrement à des activités qui contribuent à la production et à la reproduction de leur propre identité. Il ne s'agissait pas d'activités isolées, uniques et individuelles. Au contraire, de multiples façons, ils ont consacré une grande partie de leur vie quotidienne à des projets identitaires communs. Un trait caractéristique de ces projets identitaires qui a attiré l'attention et l'imagination de Myerhoff était la conscience autoréflexive unique qui s'exprimait en eux. Les membres de cette communauté ont exprimé une conscience de leur participation à la production de leur propre identité et de celle des autres - ils étaient conscients de l'effet structurant de leur propre contribution à la production de leurs propres vies.


Je crois que la conscience autoréflexive qui caractérise les projets identitaires des membres de cette communauté reflète une compréhension non structuraliste de la personne et, bien sûr, du Hassidisme de leur histoire culturelle. Cette conception non structuraliste de la personne est évidente dans la prise de conscience des personnes âgées juives, vécue dans une grande partie de ce que raconte Myerhoff, dans la mesure avec laquelle le sens de l'identité d'une personne dépend de son engagement dans des projets identitaires, et dans la mesure avec laquelle l'identité :

  1. est un accomplissement public et social, et non un accomplissement privé et individuel ;
  2. est façonnée par des forces historiques et culturelles, plutôt que par les forces de la nature, quelle que soit la façon dont elle est conçue ; et
  3. dépend de l'obtention d'un sentiment d'authenticité qui est le résultat de processus sociaux qui reconnaissent les revendications préférées d'une personne au sujet de son identité et de son histoire, plutôt que d'être le résultat de l'identification et de l'expression de l'essence ou de certains éléments du "soi" par l'introspection, quelle que soit la conception que l'on a de soi.


Myerhoff a exploré, entre autres, les structures avec lesquelles les gens de cette communauté se sont engagés dans leurs projets identitaires. L'une de ces structures, qu'elle appelle "Cérémonie définitionnelle", décrit comment ces tribunes de reconnaissance étaient mises à la disposition des membres de cette communauté dans le but de faire des apparitions personnelles en fonction de leurs préférences quant à leurs revendications identitaires :


Lorsque les cultures sont fragmentées et en grand désarroi, il peut être difficile de trouver un public adéquat. Des occasions naturelles d'en trouver peuvent ne pas être offertes et doivent alors être inventées artificiellement. J'ai appelé ces représentations "Cérémonies Définitionnelles", les considérant comme des auto-définitions collectives visant spécifiquement à proclamer une interprétation à un public qui n'est pas disponible autrement. Ce public doit être recruté par tous les moyens nécessaires pour voir la vérité de l'histoire du groupe telle que les membres la comprennent. Les personnes socialement marginales, les groupes méprisés et ignorés, les individus avec ce qu'Erving Goffman appelle des "identités discréditées", cherchent régulièrement des occasions d'apparaître devant les autres à la lumière de leur propre interprétation interne. (Myerhoff, 1982, p. 105)


C'est dans ces contextes de cérémonie définitionnelle que les revendications identitaires des gens ont été fortement reconnues par les réponses des autres. C'est dans ces contextes que ces revendications identitaires ont été authentifiées par les re-narrations des témoins extérieurs. C'est grâce à cette authentification, qui est un processus social, qu'un alignement du sens de soi et de ces revendications identitaires a été atteint. C'est grâce à ce processus social d'authentification que les personnes âgées juives de Venice ont pu faire l'expérience de ne faire qu'un avec leurs revendications identitaires - qu'ils ont pu renouveler leur sens de l'authenticité personnelle.


Dans les narrations et les re-narrations des cérémonies définitionnelles décrites par Myerhoff, la vie des gens était "réassociées" (NdT : re-membered). Le re-membering fait référence à un type particulier de mémoire :


Pour désigner ce type particulier de mémoire, on peut utiliser le terme "Re-membering", en attirant l'attention sur le regroupement des membres, les personnages qui appartiennent à l'histoire de la personne, son propre moi antérieur, ainsi que les personnes significatives qui font partie de l'histoire. Le re-membering est donc une unification intentionnelle et importante, très différente des scintillements passifs et continus d'images et de sentiments qui accompagnent d'autres activités dans le flux normal de la conscience. (1982, p. 111)


Comme j'ai discuté de cette définition du Re-membering, ainsi que de certaines des implications de cette définition pour la pratique thérapeutique, de façon assez détaillée ailleurs (White, 1995, 1997), je n'aborderai que brièvement ce sujet ici. Cette définition du Re-membering évoque une image de la vie et de l'identité d'une personne en tant que membre d'une association ou d'un club. Les adhérents de cette association de vie sont composés de personnages significatifs dans l'histoire de la personne, et ce sont des personnages en lien avec la situation actuelle de la vie de la personne, dont les voix ont une influence sur l'identité de la personne. Le re-membering donne l'occasion aux personnes de s'engager dans une révision de la carte d'adhésion des membres qui constitue son association de vie. Myerhoff met en évidence certains des mécanismes sociaux qui contribuent à des vies ré-associées :


Les vies privées et collectives, correctement Ré-associées, sont interprétatives. Une description complète ou "épaisse" produit une telle analyse. Il s'agit de trouver des liens entre les croyances et les symboles communs dans le groupe et les événements historiques spécifiques. Les particularités sont énglobées et assimilées à des thèmes plus généraux, considérés comme des exemples de préoccupations ultimes. (1982, p.111)


Le re-membering, selon la définition de Myerhoff, contribue à la production d'identités à plusieurs voix. La conception de l'identité en tant que phénomène à plusieurs voix contraste de façon significative avec les conceptions structuralistes qui établissent l'identité comme un phénomène à voix unique, comme l'expression d'un soi qui se trouve au centre de l'identité personnelle. Les pratiques de re-membering offrent une alternative aux subjectivités dominantes de la culture occidentale contemporaine qui sont façonnées par ces conceptions structuralistes. Dans cette production de subjectivités multi-voix à travers des pratiques de re-membering, le soi et l'identité cessent d'être synonymes. Une autre caractéristique du Re-membering est qu'il est "nécessaire de sentir et d'ordonner" dans la vie. C'est par le re-membering que "la vie prend une forme qui s'étend dans le passé et dans l'avenir ".


Les contributions de Myerhoff à la compréhension du fonctionnement des cérémonies définitionnelles ont considérablement influencé mes explorations du travail avec les équipes réfléchissantes. Le travail de l'équipe réfléchissante en tant que cérémonie définitionnelle fait l'objet de la prochaine section de cet essai.

L'ÉQUIPE RÉFLÉCHISSANTE

La proposition d'équipe réfléchissante a été présentée pour la première fois dans le domaine de la thérapie familiale par Tom Andersen dans son article de 1987 "The reflecting team: Dialogue and meta-dialogue in clinical work". Cette proposition a eu une influence considérable depuis la parution de cet article. Elle a été reprise dans de nombreux domaines dans le domaine de la thérapie familiale et dans d'autres domaines pas seulement liés à l'approche thérapeutique, mais aussi le travail communautaire et la gestion organisationnelle. Les pratiques des équipes réfléchissantes sont particulièrement répandues dans les instituts de thérapie familiale à travers le monde - ces pratiques sont devenues des mécanismes essentiels pour la formation des thérapeutes.


Bien qu'il y ait des similitudes dans la structure du travail de l'équipe réfléchissante qui se pratique un peu partout, il n'existe aujourd'hui aucune approche uniforme sur les orientations, du contenu, des thèmes et des styles de réflexions de l'équipe. Il n'y a pas non plus d'approche uniforme sur les particularités relationnelles du travail en équipe réfléchissante - il n'y a pas de lignes directrices généralement acceptées pour la participation des membres de l'équipe les uns avec les autres dans le cadre de leurs réflexions. Il n'y a pas non plus de consensus quant à la compréhension des mécanismes à l'oeuvre dans le travail de l'équipe réfléchissante par rapport à ses effets souvent transformateurs. Je ne tenterai pas ici de résumer la multiplicité des approches du travail en équipe réfléchissante qui ont été développées dans différents contextes et dans différents lieux, ni les différentes compréhensions de son fonctionnement qui ont été exprimées dans la littérature. Je n'ai pas un degré raisonnable de familiarité avec la plupart de ces approches et compréhensions, et en outre, il existe maintenant de nombreuses sources d'information à la disposition de ceux qui souhaitent se familiariser avec une variété de pratiques d'équipe réfléchissante (par exemple, Friedman[ed], 1995, 'The reflecting team in action: Collaborative practice in family therapy'), y compris ce numéro de Gecko. Je me concentrerai sur les explorations du travail d'équipe réfléchissante qui s'inspirent de la métaphore de la cérémonie définitionnelle et qui cadrent plus généralement avec mon engagement dans les pratiques narratives.


Il y a encore d'autres limites à la discussion qui suit. J'avais pour objectif de compléter les autres articles que j'ai déjà publiés sur le travail avec les équipes réfléchissantes en tant que cérémonie définitionnelle (White, 1991, 1995, 1997). En choisissant de compléter ces autres parties, je n'ai pas reproduit ici ce que j'ai déjà écrit sur le travail d'équipe réfléchissante, mais j'ai prêté attention aux aspects négligés de ce travail en réponse aux questions posées, et j'ai répété d'autres aspects afin de les mettre en évidence et de mettre davantage l'accent là où je considère que c'est important.


Pratiques de reconnaissance

Dans les pratiques narratives, les re-narrations des témoins extérieurs lors du travail avec l'équipe réfléchissante contribuent de manière significative à une description riche des identités personnelles et relationnelles. L'un des mécanismes qui contribuent à ce résultat est lié aux pratiques de reconnaissance qui sont associées à ces re-narrations et qui leur donnent forme. Ces pratiques de reconnaissance ne sont pas à considérer comme elles le sont si souvent, c'est-à-dire des pratiques contemporaines d'acclamation, c'est-à-dire le fait de souligner les aspects positifs, de faire des éloges, de donner des confirmations, de renforcer positivement, de féliciter, etc. Cette interprétation de la contribution du groupe de témoins extérieurs est, je crois, le résultat d'un rétrécissement très important, à travers l'histoire récente, des habitudes régulières de reconnaissance dans nos communautés. Des habitudes de reconnaissance plus étudiées, plus réfléchies et plus spécifiques dans le sens où elles s'expriment d'une manière qui est propre aux événements auxquels elles font référence, cèdent de plus en plus la place à des réponses toutes faites et générales (que j'appelle les pratiques d'acclamation) aux événements significatifs dans la vie des gens.


En incluant ces réflexions sur les pratiques de reconnaissance, mon but n'est pas d'assombrir les intentions positives ou l'engagement personnel des thérapeutes qui participent à des équipes réfléchissantes dans l'espoir de fournir aux gens des expériences de guérison. Souvent, les thérapeutes qui participent à des équipes réfléchissantes s'engagent dans des pratiques d'acclamation dans leurs efforts pour rompre avec la pathologisation régulière des identités personnelles et relationnelles qui est omniprésente dans la culture de la psychothérapie - pour rompre avec et contester le jugement normalisateur de la vie des gens. Montrer du doigt les aspects positifs, louer, confirmer, renforcer positivement et féliciter, semblent souvent des options attrayantes et toutes faites contre cette pathologisation de la vie des gens et, de plus, peuvent facilement être lues comme des antidotes à cette pathologisation.


Cependant, ces pratiques d'acclamation reproduisent un jugement normalisateur. Par exemple, les réactions de félicitations se basent sur des conclusions selon lesquelles quelqu'un s'en est bien tiré grâce à certaines mesures, et l'énoncé de ces réponses est inévitablement associé à l'hypothèse que la personne qui exprime des félicitations est en mesure de porter un jugement sur la performance d'une autre personne et a les moyens ou les instruments pour évaluer cette performance. Dans cette critique des pratiques d'acclamation - en soulignant la relation intime entre ces pratiques et le jugement normalisateur - je ne suggère pas que les pratiques d'acclamation n'ont pas leur place dans la vie quotidienne, que ces pratiques ont inévitablement des effets négatifs, ou qu'il n'y a pas de moments où leurs effets sont positifs.


Mais dans des contextes où les relations de pouvoir sont relativement préétablies - comme dans des contextes thérapeutiques - le jugement normalisateur qui est reproduit par les acclamations est particulièrement dangereux. Elles peuvent contribuer de manière significative à l'assujettissement de ceux dont la vie est au centre des réactions de l'équipe réfléchissante. Elles peuvent fermer la porte à l'exploration et à la description riche des connaissances et des compétences de la vie qui ne correspondraient pas aux normes construites dans la vie contemporaine. Et plus encore : les acclamations risquent d'entraîner l'aliénation - dans des contextes thérapeutiques, beaucoup de gens considèrent ces pratiques comme condescendantes, comme des efforts de persuasion, comme le reflet d'un manque de compréhension générale et comme la démonstration d'une incapacité à comprendre et à apprécier les circonstances et conditions de la vie des personnes.


Je crois que s'engager dans ce type de conception post-structuraliste dont j'ai parlé au début de cet essai peut aider les membres de l'équipe réfléchissante à éviter la reproduction des pratiques d'acclamation au nom de la reconnaissance. C'est grâce à cette conception que les membres de l'équipe sont plus en mesure de rester sur la bonne voie dans leur intention de participer les uns avec les autres en contribuant à une description riche des identités personnelle et relationnelle des personnes qui consultent. Lorsqu'ils disposent de cette conception de la vie, les membres de l'équipe sont mieux placés pour jouer un rôle important dans le développement d'une description épaissie des connaissances et des compétences de la vie qui ont été générées dans l'histoire de la vie des personnes qui consultent. C'est grâce à cette conception que les membres de l'équipe sont plus en mesure de rompre avec les habitudes de pensée et d'action qui les encouragent à "faire des interventions" dans la vie des autres. C'est en appréciant dans quelle mesure les conclusions identitaires d'une personne sont façonnées par les histoires de sa vie, et dans quelle mesure les gens vivent selon les histoires de leur vie, et non par les exceptions de leur vie, que les membres de l'équipe réfléchissante sont libérés de toute une série de considérations. Ce sont là des considérations qui, autrement, les empêcheraient d'accorder la priorité à être les uns avec les autres dans la génération des re-narrations de la vie des gens qui sont en train de re-grader leurs identités personnelle et relationnelle.

Une conversation, pas un monologue

De la même manière que les pratiques des témoins extérieurs dans les cérémonies définitionnelle ne sont pas une reproduction des pratiques contemporaines d'acclamation, elles ne sont pas non plus une reproduction du genre de déclaration sur la vie des autres qui est souvent présente dans les monologues. Bien que le monologue ne soit pas nécessairement une proclamation, il y a toujours le risque de la proclamation, même lorsque toutes les intentions et tous les efforts vont dans le sens contraire.


Afin d'amoindrir le risque de proclamation et de contribuer à un contexte qui sera générateur de re-narrations riches des histoires de la vie des gens, les pratiques de témoins extérieurs des équipes réfléchissantes engagent ses membres dans des conversations qui évoluent au fil de ces re-narrations. Ce mode interactif ou conversationnel est souvent façonné par les questions que les membres de l'équipe se posent les uns aux autres en réaction à leurs différentes contributions aux re-narrations. Les membres de l'équipe réfléchissante peuvent établir un contexte à cet égard en s'accordant sur le fait que contribuer à des re-narrations indique qu'ils sont prêts à être interviewés sur cette contribution par les autres membres de l'équipe. Dans le cadre de cette accord, il peut également être entendu qu'en réponse à une telle conversation, les membres de l'équipe peuvent "passer" toute question ou demander qu'on y revienne lorsqu'ils auront eu plus de temps pour y réfléchir ou lorsque, pour d'autres raisons, ils se sentiront plus prêts à y répondre.


Les membres de l'équipe ont de nombreuses possibilités de s'interviewer les uns les autres, et j'ai détaillé certaines de ces options ailleurs. Je ne reviendrai pas ici sur la portée de ces options, mais j'aborderai à nouveau le sujet de ce que j'appelle le "partage décentré", et je soulignerai le rôle que jouent les entretiens entre les membres de l'équipe pour y parvenir.


Il y a plusieurs raisons pour s'engager dans le partage décentré. Il ne s'agit pas d'objectifs tels que la "révélation de soi", mais d'objectifs tels que "l'incarnation" et la "reconnaissance", dont j'ai parlé dans "Le travail avec les Équipes réfléchissantes sous forme de Cérémonie définitionnelle" (White, 1995) et dans "Cérémonie définitionnelle" (White, 1997). Incarner son intérêt pour la vie des autres, c'est situer cet intérêt dans le contexte des expressions de ces personnes, dans le contexte de sa propre expérience vécue, dans le contexte de son imagination et de sa curiosité, ou dans le contexte de ses propres objectifs. Lorsque l'intérêt que l'on porte à la vie des gens est ainsi incarné, il est peu probable qu'il soit considéré comme académique ou qu'il soit perçu comme condescendant. Incarner son intérêt pour la vie des autres, c'est aussi reconnaître la façon dont les expressions de ces personnes ont touché sa vie et, plus précisément, dans le cas des pratiques de témoins extérieurs, reconnaître la façon dont ces expressions ont contribué à la possibilité de devenir autres que ce qu'on était.


Au cours des re-narrations de témoins extérieurs, les membres de l'équipe peuvent se poser toute une série de questions dans le cadre de leurs efforts mutuels pour atteindre cet objectif d'incarnation. Par exemple, les membres de l'équipe peuvent se poser des questions les uns aux autres sur la compréhension qu'ils ont de :

  1. pourquoi leur intérêt a été éveillé par des événements particuliers de la vie des gens ;
  2. quelles images de la vie des gens et des relations ces événements évoquent ;
  3. le type de conclusions identitaires que ces images soutiennent ;
  4. quelles expressions témoignent de ces conclusions identitaires ;
  5. ce que ces images touchent dans l'histoire de leur propre travail et/ou de leur propre vie en général ;
  6. les effets ou les effets potentiels de "ce qui est touchant" en ce qui concerne la description riche et/ou les possibilités d'action dans leur propre travail et vie.

La Catharsis revisitée

Dans le contexte de la cérémonie définitionnelle, les re-narrations de l'équipe réfléchissante sont façonnées par une appréciation du sentiment post-structuraliste de contribuer à des choix permettant aux gens de devenir "autres que ce qu'ils étaient" au au début de la cérémonie, plutôt qu'en fonction d'un sentiment structuraliste qui déterminerait ce contexte pour que les gens deviennent "davantage vraiment ce qu'ils sont réellement". La cérémonie définitionnelle contribue à ce que les gens puissent devenir autres que ce qu'ils étaient, c'est démontrée dans la mesure où elle permet aux gens de :

  1. penser d'une manière différente de ce à quoi ils pensent couramment, pour aller au-delà des limites de leur compréhension ;
  2. se trouver dans les territoires de leur vie qui sont associés à leurs revendications privilégiées au sujet de leur identité ;
  3. éprouver un sentiment d'identité à plusieurs niveaux et à plusieurs voix ;
  4. s'engager dans des connaissances et des compétences de vie qui n'étaient auparavant que des traces à peine perceptibles dans leurs histoires ;
  5. et d'adopter des options d'action dans leur vie et leurs relations qui n'auraient pas été autrement disponibles ou même visibles pour eux.


C'est par le biais d'une cérémonie définitionnelle que les gens sont "émus". Ici, j'utilise le mot "ému" dans un sens plus littéral ou pratique que d'habitude. Bien que l'expression "je suis ému par cela" signifie généralement que l'orateur a vécu une expérience émotionnelle d'une sorte ou d'une autre, le fait d'être ému dans le sens auquel je fais référence ici est le résultat d'une pratique - c'est de s'engager dans des pratiques qui ont pour effet de transporter les gens ailleurs, et souvent dans des territoires de vie et d'identité où ils n'auraient pas pu prédire qu'ils ses seraient retrouvé.[4] Je parle du potentiel que représente une cérémonie définitionnelle pour émouvoir les gens, je parle des membres d'une équipe réfléchissante tout comme ceux dont les vies se trouvent au coeur de la cérémonie. Non seulement ces cérémonies définitionnelles transportent les personnes qui consultent, mais elles servent aussi à transporter les membres du groupe des témoins extérieurs. Au fur et à mesure que les membres de ce groupe se réunissent pour écouter certaines des histoires importantes de la vie des gens et s'engagent activement dans de re-narrations riches de ces histoires, ils deviennent autres que ce qu'ils étaient à cause de cela. Je crois comprendre qu'être ému dans le témoignage des expressions de la vie, dans le sens où cela transporte, peut être défini comme une expérience cathartique au sens classique de ce mot. Et le fait que les membres du groupe des témoins extérieurs s'émeuvent ensemble de cette façon évoque les "communitas" de Victor Turner (1969) - ce sentiment unique d'être présent les uns aux autres en entrant dans des circonstances liminales, entre deux (betwixt and between) mondes connus.


La version contemporaine de la catharsis est l'une des nombreuses révisions, à travers l'histoire, des sens classiques de ce mot. Je crois que cette révision est liée, en partie, aux développements historiques de la technologie hydraulique et des moteurs à vapeur, et à la construction associée d'un "système émotionnel" qui s'inspire de ces métaphores - le système émotionnel moderne est construit comme un système partiellement hydraulique sophistiqué et un partiellement un moteur à vapeur dans lequel il y a certaines pressions à évacuer et des énergies à déplacer, et certaines valves à tourner qui permettent mettre en mouvement la vie.[5] Je préfère me référer à l'idée de catharsis dans son sens classique - des gens qui sont émus dans le sens d'être transportés dans un autre lieu, où ils n'auraient pas pu aller autrement, après avoir été les témoins d'un accomplissement dans la vie d'une personne qui les "captive".[6] J'ai toujours trouvé que le fait d'évoquer la catharsis dans ce sens classique, et dans le contexte de la communitas, avait été d'une valeur inestimable pour les membres de l'équipe en les orientant en tant que communauté de témoins extérieurs dans les re-narrations de la vie des gens - dans leur préparation à s'engager dans les re-narrations de témoins extérieurs, et dans leurs réflexions sur les effets de ces re-narrations en rapport avec leurs vies propres.

Positionnement du témoin extérieur

Plus tôt dans cet essai, j'ai évoqué l'omniprésence du jugement normalisateur qui contribue, dans des contextes thérapeutiques, à de minces conclusions sur les identités personnelle et relationnelle. J'ai proposé que les conceptions post-structuralistes de la vie et de l'identité offrent aux thérapeutes des options pour rompre avec les habitudes de jugement normalisateur. Cependant, ces habitudes sont si routinières qu'il peut être difficile de rompre avec les discours de jugement normalisateur malgré les meilleures intentions du monde. Par exemple, en tant que témoins extérieurs des conversations avec les familles, les membres de l'équipe réfléchissante peuvent avoir du mal à résister à l'envie de contribuer à la construction d'une "dynamique relationnelle".


Un antidote à ce genre d'activités structuralistes consiste à inciter les équipes réfléchissantes à explorer l'histoire de la pensée et de la pratique au sein de la culture de la thérapie. En ce qui concerne les dynamiques relationnelles, une appréciation historique contribuerait à remettre en question le statut pris pour acquis de ces "choses" - par exemple, elle établirait le fait que les dynamiques relationnelles n'existent pas depuis si longtemps, que les relations n'en avaient pas (les relations n'ont été évoquées en ces termes que récemment), et que ce n'est que depuis quelques décennies que l'idée de telles "dynamiques" a été popularisée. Comprendre, de cette façon, que des choses comme la dynamique relationnelle n'ont pas toujours été acceptées comme des faits contribue à la possibilité pour les membres de l'équipe réfléchissante de questionner l'irréfutable - par exemple, de se demander si c'est une bonne idée pour les relations d'avoir une dynamique, de questionner les effets réels de la construction de relations ainsi, et questionner la place de ces constructions dans l'approche thérapeutique.


Cependant, si l'on parvient à déconstruire dans une certaine mesure ces conceptions structuralistes, les thérapeutes peuvent se retrouver dans une situation délicate. Ainsi l'habitude est la théorisation de la vie, ainsi est acceptée l'analyse formelle de l'expression de la vie des gens, et ainsi sont considérées comme acquises les pratiques d'interprétation des événements de la vie des gens selon les systèmes de connaissances spécialisées des disciplines professionnelles, alors que refuser d'y participer peut avoir pour effet de laisser les membres de l'équipe réfléchissante se demander ce qui leur reste à faire. En réponse à cette situation difficile, en réponse à un désir souvent exprimé de structures d'écoute qui pourraient limiter l'engagement avec des discours de jugement normalisateur, et en réponse aux demandes de lignes directrices sur la préparation aux re-narrations des témoins extérieurs, j'ai souvent proposé que les membres de l'équipe réfléchissante envisagent des questions comme celles-ci :

  1. En écoutant les récits de la vie des gens qui sont au centre de la cérémonie définitionnelle, laquelle de leurs expressions a le plus attiré votre attention ou solliciter le plus votre imagination ?
  2. Comment comprenez-vous les particularités qui font que votre attention a été attirée par ces expressions particulières ?
  3. Quelles images de la vie des gens, de leur identité et du monde en général sont évoquées pour vous par ces expressions ?
  4. Quelles implications ces images ont-elles dans votre propre vie et dans quels domaines de vie le font-elles ?
  5. Quelles réverbérations[7]dans l'histoire de votre propre expérience sont déclenchées par ces images ? (Il peut s'agir de vos histoire personnelle et relationnelle, de la trajectoire historique de votre travail et de l'histoire des conversations avec les personnes qui vous consultent.)
  6. Avez-vous connaissance d'événements dans votre propre histoire qui commencent à résonner par rapport à ces réverbérations ? Si oui, quelles sont les particularités de ces résonances ? Quels aspects de l'histoire de votre expérience ces résonances illuminent-elles ?
  7. En quoi devenez-vous autre que celui que vous étiez en raison de ce réengagement dans l'histoire de votre propre vie et de votre travail ? En quoi ce réengagement contribue-t-il à des choix d'action dans votre vie qui ne vous seraient pas venus à l'esprit autrement ? Comment votre participation en tant que membre du groupe des témoins extérieurs vous amène-t-elle à dépasser les limites de ce que vous pensez habituellement ?
  8. Quelles sont les options pour reconnaître votre contribution aux re-narrations du groupe des témoins extérieur auquel vous vous apprêtez à participer ?


Ces questions ne sont qu'un exemple de certaines des possibilités qui s'offrent à vous pour la préparation des membres de l'équipe réfléchissantes aux re-narrations en tant que témoins extérieurs.[8] Elles ne sont en aucun cas exhaustives.

Risques

Comme pour toutes les idées et les pratiques de la culture de la thérapie, celles que j'ai exposées dans cet essai non seulement apportent des possibilités, mais elles contribuent à limiter les dangers potentiels. L'un de ces dangers potentiels est que les membres de l'équipe réfléchissante peuvent trouver leur vie décrite de manière assez mince par les personnes qui sont au coeur de la cérémonie définitionnelle - les membres de l'équipe peuvent connaître un rétrécissement de leur identité personnelle à la suite des réactions des gens à la re-narration d'un témoin extérieur et, bien entendu, ce n'est pas un bon résultat. Comme la culture occidentale contemporaine est une culture de jugement normalisateur, si l'on ne prête pas attention à la probabilité pour les gens de reproduire ces pratiques de jugement dans leurs réponses aux re-narrations des témoins extérieurs, alors les membres de l'équipe s'engagent dans un contexte qui pourrait disqualifier considérablement non seulement leurs efforts, mais aussi leur identité même.


Avant d'aborder ce danger plus en détail, je m'empresse de faire une distinction entre les pratiques du "discernement" et les pratiques du "jugement". C'est une chose pour les personnes dont la vie est au centre de ce travail de discerner quels re-narrations, ou quels aspects de toute re-narrations, ont été utiles et lesquels ont été soit inutiles, soit non pertinents pour elles. C'est encore une autre chose pour eux de s'engager dans un jugement normalisateur de la performance et de l'identité des membres de l'équipe réfléchissante. Bien que le discernement auquel je fais référence fournisse un guide essentiel au développement de conversations thérapeutiques pertinentes et appropriées et qu'il contribue à jeter les bases d'une recherche partagée sur ce qui constitue une description riche et ce qui constitue une description mince, il n'est pas utile que les membres de l'équipe se rendent disponibles pour participer à des contextes dans lesquels ils seront soumis à un jugement normalisateur.


Les personnes dont la vie est au centre de la cérémonie définitionnelle sont davantage susceptibles de s'engager dans le jugement normalisateur ou l'évaluation de la performance des membres de l'équipe réfléchissante si elles vivent avec, et/ou ont des histoire de privilèges et d'avantages. C'est particulièrement le cas lorsque ces personnes ont fait l'expérience des privilèges et des avantages associés aux postes élevés dans les institutions de notre culture, et qu'elles bénéficient de la reconnaissance quotidienne de ceux qui occupent des postes subordonnés dans ces institutions. Dans ces observations, je ne mets pas en doute les intentions ou l'intégrité de ces personnes, mais j'attire l'attention sur les contextes qui sont plus favorables au développement d'habitudes d'évaluation de la performance des autres selon des normes construites - j'attire l'attention sur la nature situationnelle des actes de jugement normalisateur dans notre culture.


En réponse à l'expression de jugements normalisateurs qui diminuent l'identité des membres de l'équipe réfléchissante, ou dans les circonstances où le jugement normalisateur de l'équipe réfléchissante est prédit, il est conseillé à l'intervieweur d'entreprendre des mesures préventives. L'une des options consiste pour l'intervieweur à instituer des conversations externalisantes qui encouragent l'exploration des effets potentiels du privilège ou de l'éthique du contrôle. Un préambule à l'introduction de ces conversations externalisantes peut être utile, par exemple :


Ce n'est pas le rôle des membres de l'équipe réfléchissante de se livrer à des actes de jugement sur la vie des autres. Si l'un des membres de l'équipe énonce ce que moi ou d'autres membres de l'équipe comprenons comme des jugements, celles-ci seront directement remises en question dans le cadre de cette séance. Après avoir entendu les réponses des membres de l'équipe réfléchissante, j'ai l'intention de vous consulter au sujet de ce que vous avez entendu et, dans le cadre de cette consultation, je vous demanderai si vous avez décelé un jugement sur vous en tant que personne. Les actes de jugement sur la vie des autres sont omniprésents. Il y a aussi des occasions où les personnes dont la vie est au centre des re-narrations de l'équipe réfléchissantes tombent dans le réflexe de juger dans leur réponse les efforts de l'équipe réfléchissante. Lorsque c'est le cas, il nous est plus difficile de comprendre ce qui est utile et ce qui ne l'est pas dans ces conversations. Et le jugement devient aussi un obstacle à ce que les gens entendent ce qu'ils auraient pu entendre et à ce qu'ils auraient autrement eu pu envisager autrement. Donc, si le jugement semble être un obstacle à notre travail en commun, j'aimerais avoir la possibilité d'en discuter ici. Ensemble, nous pourrions donc explorer ses effets potentiels sur notre travail commun et les moyens de le mettre de côté pour la durée de notre séance. Est-ce que cette idée vous convient ?


Il existe de nombreuses approches pour ce type de préambule, et certaines d'entre elles peuvent prendre en compte l'externalisation des privilèges, des avantages, des relations de pouvoir de la culture locale (y compris celles du genre), ou l'une des nombreuses hypothèses de l'éthique du contrôle.


Avant de passer au dernier sujet de cet essai, je tiens à souligner à nouveau la distinction que j'ai faite autour du discernement et du jugement. Dans la troisième étape de la cérémonie définitionnelle, les personnes dont la vie est au centre de la cérémonie s'engagent dans une re-narration des re-narrations des témoins extérieurs. À ce moment-là, dans le cadre de la structuration de cette deuxième re-narration, ces personnes sont consultées au sujet des re-narrations des témoins extérieurs d'une manière qui sollicite le discernement dont j'ai parlé. Ce n'est pas le jugement qui est sollicité à ce moment-là.

Appréhension

Il n'est pas rare que les membres de l'équipe ressentent une certaine appréhension lorsqu'ils se préparent à contribuer aux re-narrations en tant que témoins extérieurs. Parce que l'appréhension est si souvent évaluée négativement dans la culture de la psychothérapie (par exemple, l'expression de l'appréhension est parfois prise par d'autres pour refléter un manque de confiance personnelle qui est nécessaire à la tâche, ou elle est lue par la personne qui la vit comme une confirmation de ses doutes sur ses compétences personnelles), il peut être utile de déconstruire ceci avant la participation dans les contextes des équipes réfléchissantes. C'est dans les conversations qui déconstruisent l'appréhension qu'elle devient plus richement décrite. Par exemple, dans des conversations de déconstruction, l'expression de l'appréhension peut être comprise comme un témoignage de l'engagement du thérapeute envers une pratique thérapeutique timide dans la mer d'immodestie qui est la culture de la thérapie ; elle peut être appréciée comme une réflexion du type de position profondément éthique qui résulte de la reconnaissance de la responsabilité que les thérapeutes ont quant aux conséquences de leurs paroles et actes dans des contextes thérapeutiques ; cela pourrait représenter une reconnaissance du privilège accordé aux thérapeutes par les personnes qui leur ouvrent leur vie, et du don de confiance que ces personnes investissent dans ces contextes ; et ainsi de suite. C'est par la déconstruction de l'appréhension, plutôt que par son déshonneur, qu'elle cesse de devenir un obstacle majeur à la participation des membres de l'équipe aux re-narrations en tant que témoins extérieurs.


C'est dans des contextes de formation que je me joins régulièrement à d'autres thérapeutes pour explorer le travail des équipes réfléchissantes qui est façonné par la métaphore de la cérémonie définitionnelle. Dans ces contextes, j'informe habituellement les thérapeutes qu'au début de nos explorations, l'expression d'une certaine appréhension contribue à ce que j'éprouve un certain degré de confiance dans le fait que les re-narrations des témoins extérieurs de l'équipe vont re-grader les identités personnelles et relationnelles des personnes dont la vie est au coeur de ces re-narrations. De plus, j'ai aussi l'habitude à ce moment-là d'informer les thérapeutes - que de fortes expressions de confiance dans leur capacité à s'engager dans des re-narrations en tant que témoins extérieurs et qui seraient d'une grande utilité pour les autres - me rend très inquiet car je m'inquiète de voir que je suis sur le point d'être le témoin de la reproduction de certaines pratiques d'immodestie qui sont relativement courantes dans la culture de la thérapie.


Il y a encore d'autres options pour répondre à l'appréhension des membres de l'équipe au sujet de la performance dans les re-narrations en tant que témoins extérieurs. En présence de l'équipe, on peut dire aux personnes dont les histoires seront au centre de ces re-narrations qu'il n'est pas rare que les membres de l'équipe hésitent avant de commencent à parler de leurs réflexions et qu'il peut aussi y avoir quelques silences en cours de route. Ces personnes peuvent également être informées que cette hésitation et tout silence qui s'ensuivrait peuvent être considérés comme l'expression de l'attention et de la délicatesse des membres de l'équipe et de leur engagement à répondre d'une manière qui ne soit pas imposante et qui puisse contribuer à l'ouverture de nouvelles possibilités. Dans la quatrième étape de ces cérémonies définitionnelles, les membres de l'équipe réfléchissante ont l'occasion de parler de ces hésitations et de ces silences - de parler de la délicatesse et de toute considération spécifique qui a contribué à ces hésitations et silences.

REMARQUES EN GUISE DE CONCLUSION

Dans cet essai, j'ai revisité le travail avec l'équipe réfléchissante en tant que cérémonie définitionnelle. Cela m'a donné l'occasion d'approfondir la discussion sur certaines idées et pratiques dans ce travail et d'en souligner certains aspects qui, à mon avis, ont été sous-estimés. Cette revisite m'a également donné l'occasion de répondre à certaines des questions les plus fréquemment posées au sujet du travail avec l'équipe réfléchissante en tant que cérémonie définitionnelle.


Mais il y a encore plus dans cette histoire. En décrivant les mécanismes de la cérémonie définitionnelle, Barbara Myerhoff inclut un compte rendu des aspects performatifs des narrations et des re-narrations dans la vie des gens. Et dans son récit du Re-membering, elle décrit comment "toutes les sensations, émotions et associations qui accompagnent le premier événement sont rétablies et le passé retrouvé" (1982, p. 109). Ces aspects performatifs qui sont associés aux narrations et aux re-narrations de la cérémonie définitionnelle, et qui sont très importants dans les contributions des témoins extérieurs pour une description épaissie, feront l'objet d'un prochain essai.

NOTES

  1. Ces métaphores sont régulièrement reprises par des anthropologues culturels post-structuralistes comme Clifford Geertz (1973), Barbara Myerhoff (1982) et Renato Rosaldo (1992). Emprunté à l'origine à Gilbert Ryle, le contraste mince / épais (thin/thick) fournit un outil de réflexion pour l'enquête poststructuraliste.
  2. Pour une discussion plus approfondie de cette distinction dégradante/regradante en ce qui concerne le rituel social, voir Epston (1989).
  3. Jewish Women's Archive. "Barbara Myerhoff with Morrie Rosen, Director of the Israel Levin Center." (Viewed on July 23, 2019) <https://jwa.org/media/myerhoff-with-morrie-rosen-director-of-israel-levin-center>.
  4. Définir ainsi la notion d'être "ému" de cette manière n'exclut pas la reconnaissance des expériences affectives associées, et le fait d'être ému comme étant transporté inclut invariablement une certaine expression de cette expérience affective associée.
  5. Je suis reconnaissante à Penny Revel de m'avoir rappelé qu'à l'époque classique, la catharsis était souvent vécue dans le contexte communautaire.
  6. La catharsis moderne est aussi façonnée par l'adoption populaire et générale de la "confession" dans la pratique de la psychothérapie (Foucault, 1984).
  7. Cf. La place de l'imagination
  8. J'ai trouvé le travail de Gaston Bachelard sur l'image très utile pour réfléchir sur l'orientation du témoin extérieur (1969).

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