Une histoire des pratiques narratives collectives : Différence entre versions
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'''David Denborough travaille comme praticien communautaire, enseignant, auteur et rédacteur au Dulwich Centre. On peut le contacter au Dulwich Centre, P.O. Box 7192, Adélaïde, Australie-Méridionale. Courriel : [mailto:daviddenborough@dulwichcentre.com.au daviddenborough@dulwichcentre.com.au]''' | '''David Denborough travaille comme praticien communautaire, enseignant, auteur et rédacteur au Dulwich Centre. On peut le contacter au Dulwich Centre, P.O. Box 7192, Adélaïde, Australie-Méridionale. Courriel : [mailto:daviddenborough@dulwichcentre.com.au daviddenborough@dulwichcentre.com.au]''' | ||
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+ | * les descriptions que nous avons de la vie ne sont pas des représentations ou des reflets de la vie telle que vécue, mais sont directement constitutives de la vie" (p. 40) | ||
+ | * l'identité est multiple, et qu'elle est le produit de la négociation continue de subjectivités multiples" (p. 43). | ||
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Version du 11 novembre 2019 à 15:53
Storyline of collective narrative practice: a history of ideas, social projects and partnerships by David Denborough - The International Journal of Narrative Therapy and Community Work 2012 N°1
Traduction de Fabrice Aimetti, demande d'autorisation faite à David Denborough, le 11 novembre 2019.
David Denborough travaille comme praticien communautaire, enseignant, auteur et rédacteur au Dulwich Centre. On peut le contacter au Dulwich Centre, P.O. Box 7192, Adélaïde, Australie-Méridionale. Courriel : daviddenborough@dulwichcentre.com.au
Mots-clés : thérapie narrative, pratiques narratives collectives, histoire des idées, externalisation, métaphore narrative, lettres thérapeutiques, partenariats, anthropologie, psychologie populaire, Michael White, David Epston, the Just Therapy Team, Cheryl White, Barbara Wingard, Dulwich Centre Foundation.
Les pratiques narratives collectives sont un domaine émergent. S'appuyant sur les idées et les pratiques de la thérapie narrative (White & Epston, 1989, 1990; White, 1989a; Epston 1989a), les pratiques narratives collectives cherchent à répondre aux groupes et aux communautés qui ont connu d'importantes souffrances sociales dans des contextes dans lesquels la "thérapie" peut ne pas avoir de résonance culturelle. Cet article décrit mon parcours de l'auteur à travers ce domaine émergent. Il fournit l'histoire des idées de six aspects clés de la thérapie narrative et décrit en détail un éventail de projets sociaux et de partenariats. J'espère que ce récit historique pourra contribuer à ce qui est actuellement une littérature relativement mince sur les origines sociales et intellectuelles de la thérapie narrative [1]. J'espère également que cet article fournira un fondement historique au domaine des pratiques narratives collectives.
En rédigeant cet article, je suis revenu aux textes que Michael White et David Epston ont écrits dans les années 1980, avant de parler de "thérapie narrative", et aux sources sur lesquelles ils s'appuyaient. Parallèlement à cette histoire des idées, les pratiques narratives collectives ont aussi émergé à partir d'expériences, de relations, de rencontres et de partenariats interculturels et transgenres. Cet article décrit mon parcours à travers tout cela. C'est un voyage qui a commencé en 1993.
En 1993, à 23 ans, je vivais à Sydney. Quelques années plus tôt, j'étais diplômé en Travail Social, et je travaillais dans une prison de sécurité maximale au sein des unités sociales et d'enseignement, ce qui consistait à animer des groupes pour les détenus transgenres et pour les jeunes hommes récemment emprisonnés, et à "enseigner" les questions de classe, de genre et de race dans une formation aux sciences sociales pour des détenus qui espéraient travailler dans ce domaine lorsqu'ils seraient libérés. En même temps, je me portais volontaire pour rencontrer régulièrement des jeunes hommes dans les écoles au sujet des questions de genre et de violence.
En regardant en arrière à ce moment de ma vie, je peux voir que j'avais vraiment du mal à trouver comment répondre à ce qui étaient, pour moi, deux découvertes relativement récentes :
- Mon arbre généalogique avait été "replanté dans la cour de quelqu'un d'autre"[2]. Travailler dans les prisons m'a permis d'être en contact et d'établir des liens importants avec des représentants des Premières Nations d'Australie. Avant de travailler en prison, je n'avais jamais, à ma connaissance, rencontré d'Aborigènes. Je n'avais certainement jamais essayé auparavant de comprendre ma vie à travers le prisme de l'Australie aborigène. Je n'avais jamais auparavant saisi la façon dont la police et les prisons en Australie représentaient l'occupation continue des terres aborigènes et la privation continue des droits des pauvres.
- Le mal que les gens de mon sexe (les hommes) ont fait et continuent de faire aux femmes, aux enfants et aux autres hommes.
Travaillant dans les écoles, je rencontrais des jeunes hommes à l'aube de la masculinité adulte. Parfois, le plaisir, le mirage et l'ouverture d'esprit se voyaient dans leurs yeux. À d'autres moments, la brutalité et la cruauté prédominaient. Chaque atelier que nous animions dans les écoles avec la MASA (les Hommes ccontre les agressions sexuelles ~ Men Against Sexual Assault[3]) consistait à voir comment les formes dominantes de masculinité façonnaient la vie de ces jeunes hommes et à faire de notre mieux pour ouvrir un espace à d'autres façons d'être. Du lundi au mercredi, je rencontrais des hommes en prison, dont certains avaient violé, agressé, assassiné d'autres personnes. Et le jeudi et le vendredi, je rencontrais des jeunes hommes dans les écoles, dont certains étaient déjà convaincus qu'ils allaient passer une partie de leur vie derrière les barreaux et les barbelés.
À l'époque, je lisais tout ce qui pouvait offrir des possibilités d'action, y compris les écrits féministes de la deuxième vague (Greer, 1970 ; Morgan, 1970), les théoriciens du genre post-structuralistes (Davies, 1993) et ceux sur les masculinités (Segal, 1990 ; Connell, 1987 ; Kimmel, 1987 ; Messerschmidt, 1993).
C'est ainsi qu'un jour, j'étais assis à mon bureau à la prison à sécurité maximale de Long Bay quand un collègue m'a remis un exemplaire du bulletin d'information du Dulwich Centre intitulé Quelques réflexions sur les façons d'être des hommes ~ Some thoughts on Men's Ways of Being (1992).
Je pense que cela pourrait vous intéresser ", a-t-elle dit.
Elle avait raison.
Quelques réflexions sur les façons d'être des hommes
Il y avait beaucoup de choses qui me fascinaient dans cette publication, en particulier un article de Michael White intitulé "La culture des hommes, le mouvement des hommes et les fondations de la vie des hommes ~ Men's culture, the men's movement, and the constitution of men's lives" (1992). Michael y articulait certains des "effets réels du projet essentialiste" de l'identité masculine (p. 37) qui :
- identifie certaines "vérités" sur la nature des hommes" (p. 37)
- est fondamentalement conservatrice et génératrice d'une forme paralysante de nostalgie pour ce qui n'a jamais été" (p. 37)
- nous recrute dans un récit mytho et myope de la nature de l'homme" (p. 37)
- nous aveugle sur notre complicité dans le maintien de la domination et de l'abus d'autrui, et à notre soutien des structures économiques, politiques et sociales qui préservent et favorisent les privilèges des hommes" (p. 38)
- incite les hommes à se séparer des femmes et à s'en éloigner" (p. 39)
Il a ensuite proposé une "autre perspective sur la personne, une perspective qui rapproche la personne et le politique" (p. 35). Il y fait référence à une "perspective constitutionnaliste" qui propose que :
- une "connaissance objective du monde n'est pas possible ; que les connaissances sont en fait générées dans des domaines discursifs particuliers dans des cultures spécifiques à des moments précis" (p. 40)
- toutes les notions essentialistes de la nature humaine sont en fait des ruses qui dissimulent ce qui se passe réellement" (p. 40).
- les descriptions que nous avons de la vie ne sont pas des représentations ou des reflets de la vie telle que vécue, mais sont directement constitutives de la vie" (p. 40)
- l'identité est multiple, et qu'elle est le produit de la négociation continue de subjectivités multiples" (p. 43).
Notes
[1] Pour lire d'autres histoires sur la thérapie narrative, je vous renvoie à : Beels (2001, 2009), Chamberlain (2004, 2011) Denborough (2009), Epston (2011), Madigan (2011),White, C. (2009). [2] Tiré d'une chanson de Andrea Rieniets (1995). [3] David Newman, Mark D'Astoli et Mark Trudinger étaient d'autres collaborateurs clés de la MASA à cette époque.